Depuis les années 1970, l’équipe du TLFQ a créé un laboratoire de recherche sur le français québécois et nord-américain qui abrite une documentation dont on ne trouve nulle part l’équivalent. La documentation papier se compose d’un imposant fichier d’exemples couvrant les usages du français au Québec depuis le XVIe siècle et d’une bibliothèque spécialisée riche de plus de 15 000 titres. Mais le fonds se compose aussi de bases de données qui sont ouvertes à la consultation sur Internet. L’ensemble de ce fonds a valeur de patrimoine linguistique puisqu’il représente une part fondamentale des archives linguistiques du Québec.
Parmi les bases de données, le Fichier lexical informatisé (FLI) et la BDLP-Québec sont celles qui sont les plus fréquentées par les internautes, ce qui confirme la pertinence de la démarche du TLFQ. Ces bases représentent en effet deux étapes de cette démarche. Dans un premier temps, il a fallu construire un vaste réservoir d’exemples qui alimenterait la recherche sur l’histoire du français du Québec, d’où les travaux de dépouillements qui ont abouti à la création du Fichier lexical papier (FTLFQ). Les données du FTLFQ renseignent sur nos usages et permettent de faire le point sur notre identité linguistique.
L’intérêt de la BDLP-Québec, en plus du fait qu’elle livre des explications sur les mots à partir d’une analyse des données du FTLFQ, est qu’elle peut être mise en rapport avec d’autres bases concernant les usages d’autres pays ou régions de la francophonie. Elle permet donc de faire le point sur nos rapports avec les autres francophones. La comparaison des usages permet de constater que la situation du Québec, même si elle est particulière du point de vue politique dans le contexte nord-américain, n’est pas une exception au sein de la francophonie : toutes les communautés francophones possèdent des usages qui leur sont propres. Le fait que le projet de la BDLP ait jusqu’ici attiré des équipes d’une vingtaine de pays ou régions de la francophonie montre bien que la question les concernait également. À mesure qu’elle se développera, la BDLP fera en outre la preuve que les caractéristiques d’une communauté sont souvent partagées avec une ou plusieurs autres. Ainsi, marier au sens d’« épouser » n’est pas limité au Canada : le mot se dit en Belgique, dans une partie de la France et dans tous les pays de l’Afrique francophone. On doit en conclure que cet emploi n’est pas attribuable à l’anglais, malgré tout ce qu’on a écrit à ce sujet au Québec depuis le XIXe siècle. En somme, la BDLP instaure un dialogue entre les Québécois et les autres francophones du monde, et contribue à faire disparaître le mythe du français « langue uniforme et invariable » par rapport auquel les Québécoises et Québécois seraient les seuls à se distinguer.