C’est seulement ici qu’on se lave à la débarbouillette?
Pour se débarbouiller la binette
Au Québec, tout le monde sait ce qu’est une débarbouillette. On en trouve dans toutes les salles de bain pour un usage quotidien. Mais attention : si, en France, vous demandez une débarbouillette, vous risquez fort de provoquer un air perplexe!
Pour ceux et celles qui n’ont jamais entendu ce drôle de mot, il désigne un « petit carré de tissu éponge utilisé pour la toilette du visage et du corps ». En France, on emploie plutôt gant de toilette, qui renvoie à un accessoire légèrement différent, soit une « poche de tissu éponge dans laquelle on enfile la main ».
Cette différence de vocabulaire donne parfois lieu à de savoureux quiproquos, comme le raconte Clémence Des Rochers dans cet extrait de J’ai des p’tites nouvelles pour vous autres (1974) :
À l’Hôtel Parisien-deux-étoiles-plan-européen-petit-déjeuner-compris-pourboire-inclus, on a droit à une serviette-éponge par personne, à un savon, mais pas de débarbouillette. Je suis descendue voir la patronne :
– Madame, pardon, est‑ce que ce serait possible d’avoir une débarbouillette pour se laver?
– Madame veut dire?
– Je veux dire un genre de petit torchon…
– Un torchon? Madame veut peut-être essuyer la vaisselle? Il est interdit de faire la cuisine dans les chambres. (p. 43)
La serviette qui débarbouille
Le nom débarbouillette est formé à partir du verbe débarbouiller et du suffixe ‑ette. Il existe plusieurs mots de la même famille, dont barbouiller, barbouillage et barbouillis, qui expriment tous l’idée de « couvrir d’une substance salissante ». Ainsi, débarbouiller signifie « laver le visage de quelqu’un pour enlever ce qui le barbouille » et se débarbouiller veut dire « faire une toilette sommaire ».
L’emploi du mot débarbouillette n’est pas récent : la première attestation au Québec remonte à 1879 : On avait l’air rudement débiffés, juste comme des charretiers qui ont passé la nuit sur la « stand » [= à la station]. […] On se fit donner une bonne chambre et notre premier soin a été naturellement de nous servir de la « débarbouillette ». (Ladébauche, Le Canard, 31 mai 1879, p. 2).
À compter de la fin des années 1920, débarbouillette s’impose partout au Québec, au détriment de la forme débarbouilloir(e), qui était aussi en usage à l’époque. Sans doute débarbouillette l’a‑t‑ilemporté en raison de sa finale qui s’apparente à celle d’autres termes désignant des objets d’usage domestique, comme serviette et lavette.
Il faut cependant attendre la fin des années 1960 pour que débarbouillette figure dans des dictionnaires français, avec la mention « Canada ».
La propreté à portée de main
Ce morceau de tissu est fort utile dans toutes les situations où l’accès aux commodités est réduit. C’est pourquoi débarbouillette s’emploie souvent dans l’expression se laver à la débarbouillette, qui signifie « se laver superficiellement, sans prendre de bain ni de douche » – une méthode que connaissent bien les adeptes de la vie en fourgonnette :
Prendre une douche dans une van est compliqué en raison du peu d’espace et de la quantité d’eau limitée. Et ça, c’est lorsqu’il y a une douche à bord! On finit par se laver sommairement à la débarbouillette en acceptant qu’on ne pourra pas toujours être frais comme une rose. (D. Arpin, Le Journal de Montréal, 4 juillet 2021).
Que ce soit pour se rafraîchir au réveil ou pour nettoyer un petit minois barbouillé de confiture, la débarbouillette fait partie des routines quotidiennes. C’est un carré de tissu dont on ne saurait se passer!
Consultez l’article débarbouillette dans le Dictionnaire historique du français québécois pour en apprendre davantage sur ce québécisme.
Références
Arpin, D. (2021, 4 juillet). Van aventure : un confort minimaliste. Le Journal de Montréal, Weekend. https://www.journaldemontreal.com/2021/07/04/van-aventure-un-confort-minimaliste
Des Rochers, C. (1974). J’ai des p’tites nouvelles pour vous autres. L’Aurore.
Ladébauche. (1879, 31 mai). La fête du 24. Le Canard, [2‑3].
Trésor de la langue française au Québec. (2023). Débarbouillette. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 22 juin 2023.
https://www.dhfq.org/article/debarbouillette