Saviez-vous que...

Prononcer infractus au lieu d’infarctus ne devrait pas vous virer le cœur à l’envers?

L’interversion de sons : un phénomène courant

Peut-être avez-vous déjà entendu quelqu’un dire venderdi plutôt que vendredi? Cette prononciation vous a sans doute semblé étrange ou même fautive. En fait, ce phénomène de permutation de deux sons n’est ni rare ni propre au français québécois.

Une telle permutation de sons dans un mot est un phénomène essentiellement oral. On parle d’interversion quand les deux sons permutés sont contigus, comme dans mercerdi (pour mercredi), et de métathèse s’ils sont séparés, comme dans hynoptiser (pour hypnotiser) et chésseuse (pour sécheuse).

L’interversion touche souvent le son R à l’intérieur du mot. On aura, par exemple, aoport (pour aéroport), infractus (pour infarctus), pourderie (pour poudrerie), entertien (pour entretien) ou guerlot (pour grelot). Ce phénomène se produit habituellement lorsque l’enchaînement RE est précédé et suivi d’une consonne, comme on le voit dans les deux derniers exemples.

métathèse_hynoptiser
                                                                    Pour visionner l’extrait sur YouTube : https://youtu.be/4opS-7xx5qs?t=180.

N’ajustez pas votre « chésseuse »

L’interversion et la métathèse sont des phénomènes connus et répandus. On les observe au Québec, dans le reste du Canada francophone et aussi en France, où ils sont attestés dans la langue populaire depuis le XVIIe siècle. L’interversion apparaît aussi comme la cause de changements historiques dans la forme de certains mots. Par exemple, fromage a comme origine latine formaticum, dont l’évolution naturelle donne formage, forme attestée au XIIe siècle. D’autres langues présentent également des cas d’interversion ou de métathèse. Ainsi s’expliquerait en anglais la forme actuelle bird (oiseau), qui était en ancien anglais brid. En italien, le mot pour « crocodile » est cocodrillo, forme obtenue par métathèse, puisqu’on avait en latin crocodilus.

Bref, la permutation de sons dans un mot, bien qu’on lui reconnaisse un caractère populaire, est un phénomène attesté dans toutes les langues.